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« Nnamdi Ogbonnaya », Pour goûter une glace aux parfums atypiques.

Drool, tel est le mot que j’ai découvert grâce à cet album. Répété comme un leitmotiv, je ne sais pas s’il faut chercher son interprétation. Je crois avoir peur de briser le mystère qui fait naître la magie, de nuire à l’attrait de l’ésotérisme.

Cet album intrigue. Sa construction sonore m’est éprouvante, l’écoute demande la même attention que celle du voyageur qui crée son propre chemin en terrain inconnu. La friche a grandi, repliée sur elle-même, elle a dressé de grands murs autour de son territoire encore mal déchiffré. Mystique, l’épaisse paroi suscite en moi de la curiosité en même temps qu’une certaine prudence. Je m’avance, je suis happé. C’est cette densité dans le feuillage verbal qui nous prend en haleine dès les premiers mètres parcourus. On avance d’un pied incertain, guidé par les résonances cuivrées du vent, par les lourds battements des troncs qui s’entrechoquent. Une magie lointaine densifie le son, les souches vibrent d’une intensité électronique. Toutefois le vent est un volage, son rythme est inconstance. Il lui arrive de suspendre l’instant.

Là, seules les feuilles bougent encore comme guidées par le besoin mystique de se frotter au corps du voyageur téméraire. Par ce contact le flow ininterrompu tâche de nous révéler l’âme du lieu. L’émotion est intense. Il y a comme une douleur qui émane des racines. Noueuses et tordues, elles semblent avoir grandi dans une terre solitaire. Elles sont ressorties grandies du manque. Désormais elles chantent avec contorsion les tourments et les fiertés de leur humanité sensible.

La forêt n’est pas pour autant monotone. Plusieurs biomes la composent. On trouve des recoins inspirés par la liberté d’un jazz contemporain, quelques autres cadencés par le beat électronique d’un hip-hop d’avant-garde, d’autres enfin s’éclaircissent d’une ambiance orchestrale. Mais partout, sur les troncs ou sur les souches, on trouvera de cette mousse au parfum expérimental.

Un album exigeant, sans doute difficile, mais dont les recherches sonores et créatives méritent amplement que l’on y passe un p’tit moment, intrigué.

« Zeal And Ardor », ou comment baptiser un profane dans un bain de métal.

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Hérétiques éclectiques unissez vous ! Un apôtre du son s’est trouvé révélé. Le temps est venu de briser les idoles du genre, de brûler le fétichisme de la typologie. Ouvrez votre esprit et embrassez l’orgie des influences.


Zeal And Ardor s’est présenté à moi sur internet. Les adeptes de son dernier album, semblent relativement nombreux et correspondent à ces satanistes à la forte pilosité communément appelés métalleux. Malgré mon faible attachement à cette chapelle sonore j’ai cédé à la curiosité et fus immédiatement transcendé.

Une voix pleine de colère et de regrets s’extirpe d’une terre noircie par l’oppression. Les chaînes claquent alors que le blues commence à canaliser la rancœur des temps passés. Je prends conscience que mes bras, mes jambes, mes doigts se mettent à participer à ce rituel païen et libérateur. Les chaînes se brisent. Les cordes vibrent plus vite, plus fort. Ma nuque se raidit tandis que ma bouche tente en silence de mimer ce cri que j’entends au loin. L’Appel, détourné de sa mystique, gronde du grave de ses nappes. Le Mal d’une voix humaine m’engage à céder, à ne plus comprendre, à ne plus chercher à deviner la suite. Je lâche prise. Seul, nu, frappé sans discontinuité par une pluie percussive, j’admire la puissance du cyclone. Toutes sortes d’objets s’y rencontrent, se fracassant les uns les autres dans un ballet sonore magnifiquement assourdissant.  Mais il faut tenir bon. À celui qui sait attendre, L’œil du démon est révélé. On y est si bien, les choses y sont devenues fine poussière. Je m’allonge comme un enfant dans la neige, je fais l’ange. Tout y est si doux, d’un calme qui augure d’un nouveau commencement.

Cet album bien que court est extrêmement intense. La créativité y est débridée, sauvagement jouissive. Toute l’habileté de Zeal est de parvenir à agencer autant d’éléments, d’idées, de courants dans un seul petit album sans jamais que cela sonne faux ou forcé.

Auditeurs, le seul mal qui puisse vous arriver est de vous perdre l’instant d’un moment trop fugace.

 

Ps: le premier album de Zeal And Ardor, au nom éponyme, mérite lui aussi amplement qu’on s’y arrête. Mise à jour : Les deux albums de Zeal semblent s’être volatilisé de bandcamp (une histoire de signature sur label je crois), il ne reste que deux pistes.

« Cross record », ou le fragile souffle de vent dans le canyon désertique.

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Bandcamp a cela de particulier qu’il crée parfois des histoires d’amour, comme toujours faites de rencontres et de séparations. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Wabi-Sabi, album dont il est aujourd’hui question, en février dernier. Sa jaquette  m’avait tapé dans l’œil et j’ai eu tôt fait de l’inviter dans ma wishlist. Bien qu’alléchant Wabi-sabi fut cependant trop prude, il ne voulait pas se découvrir au-delà de deux pistes ; à moins de m’engager dans une relation sérieuse avec lui. Le temps est venu de faire son affaire ; lors d’un ménage de printemps sur ma page je l’ai renvoyé chez lui. Or, voilà que fin août je le recroise au gré de mes promenades digitales. Piqué par la même passion qu’autrefois et regrettant mon comportement envers lui, j’ai immédiatement passé commande.

Cet album est pour moi la photographie d’un paysage en time-lapse. Si le cadre et le sujet de cette photo restent les mêmes, chaque piste propose une configuration différente de ce paysage.  Mon imaginaire me donne à voir une terre séchée et craquelée au cœur d’un canyon aux tons ocres, laissant apparaître en arrière plan un ciel bleu clair d’une beauté puissante et immaculée. Un équilibre frêle nait ainsi du balancement entre les cordes desséchées aux accents métalliques, les percussions à la lourdeur intimidante et un chant évoluant dans une sorte d’expire doucement fragile.

La reconnaissance de ce décor aride à la poésie sauvage se voit changée alors que, le ciel se charge de nuages, que le bleu se mue en un aplat de noir étoilé, que la chaleur du soleil à son zénith se fait pesante même pour le plus petit des scorpions. Parfois on croit percevoir des perturbations extérieures, tels les cris d’un animal sauvage ou bien le crépitement d’un feu rendant les profondeurs nocturnes moins pesantes.

Dans cet album, Cross Record a gravé un message sincère, profond dans des palettes de couleurs plutôt sombres. Mais, plus que tout, on y trouve un quelque chose d’inspirant, de porteur.

En attendant la suite, l’ennui n’est pas ici.

« Secret Sidewalk », quand on met l’oreille au télescope.

Secret-sidewalk

Alors que fier à mes habitudes, je naviguais en quête d’un trésor dans les tréfonds de Bandcamp, mes oreilles se mirent subitement à me titiller. Comme au bruit d’un compteur Geiger mon attention se braqua sur cet objet non-identifié. Seconde après seconde je prends conscience que c’est une merveille tout droit tombée des astres qui embrase mon corps. Une pierre cosmique comme irréelle.

Ce single répondant au nom de Cholo Curls  sorti en juillet 2014 est né d’un quintet originaire de la région de San Francisco.  Une batterie, un saxo et une suite de claviers  électroniques en tous genres forment leur équipement. La composition singulière de ce brassband, qui n’en porte pas vraiment la combinaison, est à l’image de leur musique : hybride, transformiste, créatrice.

Plusieurs galaxies se sont rencontrées dans ces trois pistes et de ce puissant maelstrom émerge une foule de panoramas plus surprenants les uns que les autres. Pendant que les trajectoires erratiques d’un free-Jazz font la course à une gazeuse électronique au spectre non-chromatique nous assistons, nous auditeurs, à un voyage ponctué par les exclamations de notre quintet de cosmonautes. Propulsés par une batterie infaillible, nous allons, contemplons les irruptions solaires d’une géante rouge saxophoniste. Un peu plus tard nous nous glissons avec agilité dans le fourmillement électronique d’un champ d’astéroïdes. Mais toujours au fil de notre épopée nous percevons quelque chose  d’organique, de bio-morphe, comme si la vie et le plaisir étaient là, quelque part, dans la variété de ces paysages sidéraux.

J’espère que ce single (dont la troisième piste n’est accessible qu’à l’achat), vous procurera le voyage que je vous promets.  Attention toutefois car à mon grand malheur maintenant onze mois que nous sommes sans nouvelles de nos spationautes.

« Sebastian Paul », Pour effleurer la diversité et l’intensité des dégradés de noirs.

 sebastian-paul,-on-fait-avec

Tout d’abord meilleurs vœux aux quelques dizaines de personnes qui me lisent, en bon hédoniste je ne peux que vous souhaiter tout plein de “chairs de poule” auditives.
Nouvelle année, nouveaux artistes, nouveaux coups de cœur. Je vous parle aujourd’hui du premier album de Sebastian Paul : The Messiah Complex.

Cet album a immédiatement su piquer ma curiosité. La première chose qui m’a frappé est l’omniprésence des fréquences basses. Attention je ne parle pas là d’un vulgaire Beat bien gras dopé à la testostérone, non ! Sebastian Paul a fait le choix artistique d’une orchestration à base de nappes profondes doublées d’une rythmique massive. Une atmosphère lente, lourde, parfois anxiogène qui permet de créer un contraste fort avec le chant. Un chant presque psalmodié qui se distingue par ses sonorités à la fois aiguës, saillantes, et nasillardes. Une structure complexe bien produite qui pourrait faire craindre une trop grande ressemblance entre chaque piste, rassurez-vous il n’en est rien.

Si l’album est relativement homogène et garde la même « patte sonore » Sebastian réussit à faire varier ses finitions et ses décors. L’ennui ne m’a jamais guetté, et ce n’est qu’après plusieurs écoutes que j’ai pu percevoir toutes les teintes que transmet son album. Il se dégage de son travail quelque chose de très poétique, sorte de gémissement de lumière plongée dans le grand vide, de rayon de lune amer perçant l’obscurité de la canopée nous révélant ainsi son fourmillement. Bien que je n’aie pas la capacité de comprendre tout ce que l’artiste cherche à révéler, il ne fait aucun doute que c’est avec sincérité et émotion qu’il le fait.

The Messiah Complex est un premier album réussi. Il affirme sa singularité avec vigueur et violence, tant par sa substance sombre que par ses élancées aériennes. Un artiste à suivre !

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