À l’époque où je ne dépassais pas un mètre cinquante mon père possédait encore un vieux Tepaz et sa collection de 45 tours. Certains de ces vinyles ont durablement forgé mes oreilles et mon imaginaire. Entre Benny B et les Rita Mitsouko je me rappelle avec nostalgie de ce genre de rock à la teinte chaude cuivrée, au groove prononcé et au grand cœur qui me faisait danser frénétiquement. C’est dans ce registre sonore que je vous emmène avec le dernier album de The Heavy : Hurt and the merciless.
L’atmosphère est d’une tendre chaleur, on la sent glisser sous la peau comme le cul-sec des premiers shooters. On entend le souffle du micro, le grésillement des amplis à lampes. Les projecteurs sont anciens, ils transpirent la poussière brûlée. Recouverts de simples gélatines monochromes, ils éclairent la scène de couleurs joyeusement saturées comme déformées à la façon des vieilles télévisions cathodiques.
Le show commence. La voix est une exhibitionniste. Du haut d’un porté bien roulé elle se magnifie, joue de ses charmes avec passion. La batterie bombant le torse la soutient avec puissance et justesse. Autour de ce binôme la parure du paon se dévoile, riche de formes et de couleurs. À la manière de ces comédies musicales de Broadway chaque instrument vient jouer sa partition dans la mise en scène sonore. Au son des cuivres les tabourets de bar se déhanchent du haut de leurs pieds. La tension des nuques suit en rythme la chorégraphie des cordes. De leurs élans dramatiques piano et synthé viennent parfois attendrir la scène. Tandis que cachés dans le décor les cœurs habillés en sirène ensorcellent le public. Il en perd la voix, l’alcool ayant déjà pris la raison.
Cet album manque peut-être de prises de risques, de nouveautés, reste qu’il exhume une palette de couleurs rayonnantes dont malheureusement la fabrication n’est plus trop à la mode, c’est un plaisir que d’y plonger les lèvres.