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« Three Trapped Tigers », pour une marche virtuose sur les bords du chaos

Il est de ces visages que l’on croise et recroise sans y prêter trop grande attention. Une impression familière reste néanmoins présente à chaque rencontre. Ce visage, ce nom ou cet artiste fait figure de décor coutumier. Mais un jour, au détour d’un autre de ces imprévisibles face-à-face on se rend compte que le fruit que l’on croyait vert ne l’est plus. A-t-il mûrit ou bien est-ce moi ? Le temps est venu d’en goûter le jus.

Décrire des saveurs auparavant inconnues est un exercice périlleux. Ce n’est qu’une impression mais cet album, tout comme le registre musical auquel il appartient, m’apparait difficilement abordable lors d’une première rencontre. Le temps seul permet d’éveiller le goût pour l’amertume, l’acidité, l’aigreur…

Three Trapped Tigers nous submerge dans ses profondeurs de rock progressif. La perte de repères est importante. Je me sens comme pris dans le rythme permanent d’une chaîne de production. Résister m’est pénible. Les logiques rythmiques m’apparaissent absconses. Faut-il peiner avant de comprendre ? Sans doute. Fatigué de mon combat, mais néanmoins déterminé à ne pas lâcher prise, je finis par me faire emporter.

Je me découvre au centre d’une pièce sombre. Les arrêtes sont droites et régulières. Sur le sol une impression de battements puissants, souvent effrénés. Chaque coup soulève des gerbes d’étincelles, des coulées de métal en fusion. Dessous, dans les fondations, un tonnerre virtuose aux airs d’industrie lourde. Les vibrations me parcourent des pieds à la tête. Ma nuque se dresse. J’étire les bras et vois le plafond s’offrant à moi. Les couleurs y sont stellaires. Les notes s’allongent de leurs formes aériennes. Pour chaque touche enfoncée sur les synthés une aurore électronique s’imprime sur l’étendue bleue nuit au dessus de ma tête. L’impression est plus douce, plus languissante, plus pop.

Entre les deux temporalités, nichés entre les nébuleuses, des nappes électroniques et le triomphant fracas des caisses d’un dernier territoire s’offrent à mes tympans. Des lacérations électriques impriment les murs. Les cordes vocifèrent, elles sont agiles. Je les vois évoluer, déchirant les parois. Des crissements noises se font entendre, entrecoupés d’élancées aux tons Acid Jazz. Les pédales changent. Les accords se font tantôt machinerie saccadée et bruyante tantôt brume éthérée. Entre percussions volcaniques et clavier cosmique, la guitare, suspendue à ses cordes, fait du trapèze.

Le dialogue entre ces trois entités musicales est juste, créatif, vivace. J’y trouve une vraie synergie. Une puissance débridée, virtuose, parfois à la frontière du chaos.

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