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« Maal & Morris », Quand le Bling fait un passage en galerie.

Les albums que l’on apprend à aimer ont-ils une saveur différente des autres ? Nous paraissent-ils meilleurs, de la même façon que l’effort engagé dans un travail rend l’appréciation de ce dernier plus délectable ? Ou peut-être, car une fois la peur des eaux inconnues surmontée, ils nous révèlent des terres nouvelles, vierges et inexplorées, élargissant d’autant nos horizons musicaux. Sans prétendre à une réponse immuable je peux vous guider à la genèse de mon questionnement : Good morning I love you ?

Le miroitement sucré du champagne illumine le plafond du penthouse d’aurores d’or. Une Aphrodite plastifiée en tenue légère et à la peau tamisée s’enduit la poitrine du pétillant nectar. L’album porté à mon oreille s’incarne dans ce Ken, propriétaire de la demeure. Il sait qu’il a perdu goût à ce spectacle de sensualité synthétique et galvaudé. Le voilà « at the top ». Mais tel Bojack Horseman, bien que tout lui soit acquis, il ne parvient plus à saisir quoi que ce soit du bout de ses doigts bagués. Voici le spleen qui frappe à la porte. La vie aux élans auparavant hédonistes se dilue désormais dans un temps hachuré, aux plaisirs insipides.

Une fragilité artistique émerge de cette perte de sens. Les matières du parvenu s’effritent, se muent en formes contemporaines et minimalistes. À tâtons, leur agencement révèle une nouvelle quête d’identité. Le parvenu se légitime par le traitement sensible de ces matières synthétiques. La complainte en prendrait presque de lointaines inspirations folk. La toute confiance laisse place à l’incertitude. Le doute grésille et questionne parfois l’impuissance. Les émotions refont surface, la jouissance des plaisirs simples aussi. Toutefois, jamais la corde qui lie le parvenu à son origine ne sera coupée.

La richesse de cette orfèvrerie de pacotille est une première du genre pour mes oreilles. D’abord circonspect, surtout par mon mépris de l’auto tune, le temps m’a finalement convaincu. La séduction viendrait-elle de là où on ne l’attend pas ?

« Dizraeli and the small gods », quand la voix joue le rôle du Jeune Premier.

Au gré des sinueux chemins de Bandcamp on croise toutes sortes de personnes. Certaines jouent, d’autres chantent et, je dois admettre être bien plus exigeant envers ces dernières. Rares sont les moments où je laisse la voix  s’imposer au-dessus de la musique. Peut-être que je trouve généralement la musique plus sincère que le texte qui la pare. En un sens, mon exigence vis-à-vis de la chanson est double ; le texte doit se suffire à lui-même, tandis que la qualité du chant se doit d’être à niveau.

Je vous parle aujourd’hui d’un ménestrel moderne que je porte en haute estime.  Je l’ai croisé il y a de ça une dizaine de jours, assis sur son perchoir il n’était pas très difficile à reconnaître.  Je pris le temps de ralentir pour me mettre à son niveau et dès qu’il entendit le « clic » de ma souris il entama sa litanie. Sa dernière œuvre en date étant un Hip-hop dynamique et instrumentalement riche, je suis aussitôt surpris par l’épure de ses dernières créations.

La voix y est primordiale. Puissante et pourtant si agile, elle m’étreint. Elle m’emporte au fil de sa narration passant de flows rapides en eaux calmes en un claquement de cordes. Ces dernières, dénudées de tous artifices électroniques, relaient et amplifient la tension dramatique des textes portés à mon oreille. L’écriture de Dizraeli est sincère et habile en même tant que maligne. Ses récits parfois désabusés me renvoient à notre humanité. Ils  la narguent avec humour, bienveillance et sévérité sans jamais nous laisser dans la posture d’un public passif. On remarquera l’exemplarité de son articulation et de sa rythmique, quand on n’est pas déjà en train de taper frénétiquement sur son bureau, tentant désespérément de suivre le tempo.

Entre slam a cappella et chant blues/folk cet Ep possède un charme atypique et certain,  sans vouloir être « premier degré » j’avoue avec grand plaisir que cet album « me parle ».

« Salami Rose », ou la douceur d’un bain de lait à nos oreilles.

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J’ai fait un cauchemar, je suis allé dehors. J’étais malade et il pleuvait. Fatigué par cette invisible pression autour de mon crâne, je n’ai su trouver l’enthousiasme qui me caractérise habituellement. Incapable d’éclaircir les couleurs ternes du quotidien mon seul recours fut de me calfeutrer dans mon lit et d’en appeler au Salami Rose.

Blague à part, on parle aujourd’hui du premier album de Salami Rose Joe Louis répondant au nom de Son Of a Sauce et derrière ce nom en apparence piquant se cache une perle nacrée au creux d’un écrin molletonné. Issues de l’imaginaire d’une âme féminine au caractère sûrement singulier ces 26 pistes sorties en mars dernier sont un plaisir à écouter. Les morceaux sont relativement courts et rappellent des comptines qui se succèdent et bien qu’elles ne racontent pas la même histoire leur essence est faite d’une commune naïveté. Nous serions dès lors cet enfant qui ne cesse de vouloir écouter avec engouement une histoire en plus et encore une autre après celle-là.

C’est avant tout une voix rassurante et apaisante qui guide cet album. On nous chuchote à l’oreille à la façon dont on rassure un enfant au réveil d’un cauchemar. Synthés et cordes jouent le rôle d’un fredonnement musical créant ainsi un Album parsemé de joyeuses mélodies à la durée éphémère, et je me fais un plaisir de courir derrière celles-ci comme si elles étaient des papillons colorés. L’ensemble est soutenu par une drum-machine aux sonorités pastel. Toutes les percussions résonnent en douceur et tentent de s’immiscer dans notre rêverie avec la plus grande précaution afin de ne pas risquer de nous réveiller. Le principal reproche à signaler tient au manque de finition de cet album. À l’image d’un carnet de croquis les pistes s’arrêtent parfois de façon brutale et l’enchaînement des pistes en prend un coup.

Je voyage sur un radeau de couettes et d’oreillers. Les yeux fermés je me laisse glisser le long d’une rivière de coton guidé au simple rythme des bruissement de tissus libérant au passage cette senteur rassurante des draps propres, tout juste chauds.

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